Discours prononcé par l'abbé Evrard, curé de Fraire, lors du cinquantième anniversaire de la fanfare « L'Union »

Fraire, le 30 avril 1950

              Chers paroissiens, chers amis de l’Union,

       Nous lisons dans la Bible que quand Dieu créa le monde, il fit tout avec nombre, poids et mesure. - L’ordre préside à toute la nature, les chiffres qui établissent les rapports entre toutes choses, sont immuables.
       Les ondes électriques, chimiques, cosmiques, tout comme les ondes visuelles ou musicales sont basées sur des rapports éternellement les mêmes fixées par le créateur. Telle longueur d’onde vribratoire produit à nos yeux le vert, le bleu, le jaune ou les autres couleurs ; d’autres accessibles à l’oreille donnent les sons catalogués en gammes aiguës ou graves.
       Car Dieu a donné à l’homme non seulement ce qui lui permet strictement de vivre, le manger, la boisson, le vêtement, mais aussi ce qui fait le charme de la vie, la splendeur des astres, la magnificence des fleurs, des fruits suivant les saisons, le chant des oiseaux.
       Lorsque l’homme se trouve en proie à une émotion assez vive, il se laisse emporter par celle-ci et manifeste ses sentiments de douleur, de crainte, de joie aussi par des cris, par des chants.
       L’homme aime soutenir son émotion par l’éclat des instruments : le berger joue de la flûte dans la solitude.
       Dans la forêt, le sauvage rassemble des morceaux de bois ou des métaux de diverses longueurs, et avec de petits marteaux jouent des airs, c’est le xylophone, la guitare, la harpe. Tous les instruments à cordes sont connus dès la plus haute antiquité, et nous lisons chez les auteurs anciens que dans les réunions de grands du royaume, les rois antiques étaient accueillis au son des instruments à cordes et à vent de tous genres avec accompagnement de tambours et de cymbales.
       Ce qui existait autrefois l’est encore aujourd’hui. Ce qui est vrai dans nos grandes cités est aussi dans nos villages. L’homme est le même dans tous les temps et dans tous les lieux. Le Bon Dieu l’a façonné avec les mêmes fibres qui tressaillent et s’émeuvent, et veulent que les sentiments se manifestent au-dehors.
       L’Eglise a retenu pour elle les cloches et les orgues.
       Cette manifestation extérieure des sentiments est la raison d’être aussi de nos sociétés de musique.
       Nos harmonies et fanfares créent l’ambiance voulue de joie, d’émotion  religieuse, d’enthousiasme. - Que seraient nos kermesses sans les orgues de barbarie ou les haut-parleurs à disques qui les remplacent aujourd’hui ?
       Pour nos marches d’Entre-Sambre-et-Meuse, les tambours et les fifres dès la veille au soir annoncent à tous que le grand jour arrive. En fermant les yeux, vous y êtes, n’est-il pas vrai ? Et voyez la rentrée des soldats de Saint-Ghislain à petits pas au rythme de la musique. Ou bien c’est la procession : la Musique escorte le Roi des Rois, et quand le clairon sonne aux Champs pour la bénédiction du Saint-Sacrement, quelle émotion nous saisit ! C’est le 11 novembre ; en cortège nos enfants nous montrent le chemin, et après la prière à l’église nous conduisent au Monument des prisonniers et combattants, puis nous allons au cimetière saluer les cendres de nos braves au rythme des cuivres.
       Vraiment la fanfare dans un village, c’est le cadre qui entoure nos fêtes civiles et religieuses et leur donne un relief qu’elles n’auraient pas sans la musique.
       Et voici 50 ans déjà que vous aidez les Frairois à exprimer leurs sentiments. C’est une belle étape, que vous avez parcourue, avec des hauts et des bas, comme toute institution humaine. Toutes mes félicitations, car ce n’est pas rien de tenir le coup, de se relever quand on a des ennuis et de reprendre sa route, imperturbablement, de se laisser guider par l’expérience, pour éviter les écueils qui ont accroché autrefois. Après 50 ans, vous vous retrouvez comme à vos origines et c’est cela l’essentiel, prêts à repartir pour 50 nouvelles années.
       Tenir à son programme de rehausser les cérémonies patriotiques, religieuses, communales, c’est le moyen le plus sûr de vivre, de grandir, de grouper autour de soi toutes les bonnes volontés musicales et, derrière celles-ci, tout le village à l’unanimité.
       Votre programme est beau, mes amis, vous le réaliserez et dans toutes nos manifestations patriotiques, religieuses ou communales, tous les musiciens actuels ainsi que les jeunes éléments que vous formerez le plus nombreux possible seront tous au poste pour entretenir la gaieté, la joie, l’entrain, l’union dans notre chère commune de Fraire.
       Aussi est-ce de tout cœur que nous demandons au Bon Dieu et à sainte Cécile votre patronne de vous protéger et de réaliser pleinement le nom de votre société «  L’Union  ».

Abbé Jean Evrard, curé de Fraire.        

 

Discours prononcé à l’occasion de la fête du Cinquantième anniversaire de la fanfare « L’Union » de Fraire et de son accession au rang de société royale, accordée par Son Altesse Royale le prince Baudouin.