N° 33
Mars 2022
 
FIÊR DÈ NOS PÎSSINTES

à Fraire...

 

Feuille périodique éditée par le groupe  Les sentiers du fer / Les pîssintes du fiêr - asbl - Contact : J. Thomas, rue Saint-Remy, 10 - 5650 Fraire – 071/65.56.22. - yhomasjean@gmail.com


 
Exposition du 4 au 13 septembre 2020
 « Mes parents ne me disaient pas tout »
Tel était le titre de l’exposition itinérante, proposée par la Province de Namur et l’ASBL Qualité-village-Wallonie », et qui s’est déroulée à Fraire, entre le 4 et le 13 septembre 2020. Thème : l’Exode de 1940.
Pour évoquer cette période mouvementée au niveau local, le groupe « Les Sentiers du Fer» avait interrogé et filmé des témoins frairois contemporains de l’Exode. Certains d’entre eux étaient présents lors du vernissage de l’exposition et ont pu assister à une représentation théâtrale des jeunes acteurs de Fraire (photo) qui ont fait revivre aux Anciens et fait découvrir aux plus jeunes les événements dramatiques ou anecdotiques s’étant déroulés à Fraire, en mai 1940.
 
 
Ces saynètes ont recueilli un franc succès, de même que l’exposition qui a accueilli, du 4 au 13 septembre, plusieurs centaines de visiteurs, dont les classes primaires de l’entité, qui ont pu profiter des explications d’animateurs envoyés par la Province.
Pour ceux que l’histoire locale intéresse, il est possible de se procurer, sur clé USB, les témoignages vidéo des témoins frai rois de l’Exode, dont certains nous ont malheureusement quittés entretemps, ce qui ravive notre regret de ne pas avoir pu les fêter dignement lors du vernissage, en raison du contexte sanitaire.

LES AVENTURES D’YVON AU PAYS DE L’OR NOIR
Diplômé ingénieur technicien en électricité, Yvon Fontenelle, notre ancien président et toujours président d’honneur des Pîssintes, a été engagé par ACEC - service Ventes Etudes Techniques (VET) - le 1er juin 1954.
Il a été amené à séjourner dans de nombreux pays, pour des missions technico-commerciales de courtes durées ou techniques de plusieurs mois. Dans les années 60, il n’y avait ni GSM, ni Internet. Téléphoner en Belgique depuis Baghdâd, par exemple, était un exploit. Il n’y avait pas de téléphone sur les chantiers d’Irak. C’est là que nous retrouvons Yvon en 1961. Ecoutons-le.
Le 11 mars 1961, j’ai donc pris l’avion pour Baghdâd : Bruxelles-Rome en Douglas DC-6, Rome-Beyrouth-Baghdâd via Damas. A l’époque, c’était un long voyage !
Ma mission était de mettre en service 7 sous-stations dans le Centre Euphrate. Comme entrée en matière, je devais mettre sous tension une extension de la centrale de Baghdâd-South, dont ACEC était le contractant pour la partie électrique.
  Dans l’avion, j’ai fait la connaissance de M. Calvi, un monteur de la firme italienne Magrini, notre fournisseur de disjoncteurs HT. Une rencontre heureuse, car mon vol avait du retard. C’était la nuit, personne ne m’attendait et je ne connaissais pas les noms des hôtels de Baghdâd. Donc, j’ai suivi M. Calvi jusque son ’Bed & Breakfast’. Il Y régnait une odeur indéfinissable. Le temps de soulever un tas de poussières au moyen d’un balai de l’ère babylonienne et de traîner 2 lits déglingués, je pouvais enfin me coucher. Le matin, rasé tant bien que mal, face à un coin de miroir cassé pendu à une ficelle, j’avais eu bien du mal à avaler le thé du petit déjeuner ! D’un coup d’aile, j’avais remonté le temps jusqu’à l’Antiquité.
Voilà mon premier contact avec ce pays, mais, rassurez-vous, je me suis vite habitué !

Le 27 mars, je me suis installé à Hilla, à 120 km au sud de Baghdâd.
J’habitais une villa 4 façades (photo page suivante), en face du bureau ACEC, dans une rue en sable.
  Voici une sous-station 132/66/11 KV
 


A mon arrivée, la température était d’environ 20°. Il Y avait 20 cm d’eau dans la rue et un étang à 100 m. Par la suite, il a fait plus chaud, la rue s’est asséchée, l’étang est devenu un terrain vague parsemé de carcasses d’animaux en décomposition. Les mauvaises odeurs et les mouches ont fait leur apparition. Un insecticide était pulvérisé dans la rue, le soir.
Je partageais ma chambre avec des dizaines de bestioles qui circulaient sur les murs et me bouffaient la nuit, me causant morsures, piqûres... Au dessus de mon lit, un lézard était aplati au plafond. Un soir, un scorpion noir a traversé le living, sous la table, pendant que je rédigeais mes rapports d’essais.
Le matin, je passais prendre le déjeuner au guest-house ACEC, avant le départ au chantier. La région était désespérément désertique : sables, marais salants, quelques maisons en terre. Il faisait très chaud en juin sur les chantiers, de 45° à 50° à l’ombre ! Je passais parfois la journée sur les transformateurs et disjoncteurs, dont les cuves d’acier étaient brûlantes. Dans les bâtiments, le conditionnement d’air ne fonctionnait pas encore, les mouches et insectes divers pullulaient. Le premier jour, j’avais amené un casse-croûte... retrouvé plein de fourmis à l’heure du repas ! Donc, à midi, je faisais le ramadan. Je me soutenais en avalant les Pepsi que m’apportait le gardien irakien dans un seau de glaçons. Pour sortir du bâtiment le soir, on devait affronter un nuage d’insectes volants,
 
attirés par l’ampoule électrique placée au-dessus de la porte. Je me servais de ma serviette comme bouclier, car ces bestioles vous percutaient la figure.
Je prenais aussi le repas du soir au guest-house, où logeaient nos monteurs. Toujours la même chose au menu : un steak (Je préférais ne pas en connaître l’origine, au vu des quartiers de viande couverts de mouches sur des camionnettes pick-up Toyota !). Ce steak était invariablement accompagné de « chips », ces petites pommes de terre rondes, frites dans l’huile, que nos monteurs piétinaient et écrasaient sur les murs de la salle à manger. C’est pourquoi j’avais essayé de changer le menu, mais, pour m’avoir écouté, le cuisinier s’est retrouvé, sans mauvais jeu de mot, avec un œil... au beurre noir, car cela avait déplu aux monteurs ! Donc je les ai laissés à leurs chips... que j’ai dû manger pendant trois mois.
 
(Suite au prochain numéro)

LA PATROUILLE DES CASTORS DE LA RUE D’ANDENNE (Bernard Bauthière)
Dans les années 50, Paul Croisez, Michel Donnet, Gérard Névraumont, Christian Baudinne et moi-même formions une belle bande de copains. A l’image des castors, nous passions des journées entières à construire des barrages dans le ruisseau Jaune, qui était très propre à l’époque. En fait, ce cours d’eau doit son nom à la couleur du sol argileux. Hélas ! ce n’est plus qu’un cloaque aujourd’hui, mais à l’époque nous y ramenions des poissons que nous étions allés pêcher au bayau Jef, au bayau de la Machine ou encore au bayau de la place de la Maroquette, qui a été comblé en 1970. Nous étions heureux de voir ces poissons rester dans leur nouveau milieu et même s’y reproduire. Cependant, nous avions fort à faire pour défendre notre territoire face aux gamins du village qui tentaient de venir détruire nos barrages. Nous défendions farouchement notre territoire en leur lançant des « feschaux », redoutables projectiles constitués d’un mélange de boue et de plantes des marais. Le facétieux Pol De Witte utilisait aussi cette arme pour aller, avec Paul Croisez, bombarder Louis Croisez et Jean-Pierre Bernard, le neveu — je pense — de l’institutrice, Mlle Caroline, qui prenaient des bains de soleil sur le toit en zinc de la fabrique   de tabac du père Croisez, près du magasin tenu par la maman, Non loin de là, se trouvait la poste, où habitait le grand-père de mon ami Michel Simon, le facteur Vital Gochard. Celui-ci possédait des moutons et aussi quelques chèvres. L’écurie communiquait avec la cuisine. Je me rappelle y avoir mangé des tartines au beurre de brebis ou de chèvre, à la couleur très jaune et au goût un peu piquant. Aujourd’hui, les effluves du beurre et de la bergerie sont toujours bien présents dans ma mémoire olfactive et accentuent la nostalgie de cette époque dorée, où les jeunes passaient le plus clair de leur temps à jouer dehors. Je dois quand même reconnaître que nous étions un peu « arsouilles », Ainsi, nous aimions bien frapper aux portes et puis détaler dans la rue, ou encore aller en « maraude », Un jour, nous étions restés deux heures en position inconfortable en haut du cerisier d’Amour Hosselet, qui, ne pouvant grimper, nous avait attendus en bas avec sa « scorie » ( ?), avant d’être contraint d’aller traire et de nous laisser le champ libre ! Pour le narguer, nous avions mangé des dizaines de cerises en lui lançant les noyaux, ce qui nous a valu une colique mémorable !

UN HOMME FORT (Pascal Decamp)
Le 11 novembre 2019, je me rendis à Wépion, afin de visiter le fort de Saint-Héribert. Celui-ci est un des 9 forts enterrés, imaginés par le général Brialmont, et qui avaient pour but de ceinturer la ville ainsi que la citadelle de Namur et, donc, de leur servir de postes avancés, censés empêcher toute approche ennemie en cas de conflit. Après les deux dernières guerres, il fut démilitarisé, ses coupoles furent revendues en même temps que toutes les pièces métalliques, et, tout matériel et ameublement étant enlevés, il servira alors... de décharge ! Au fil des années, un bois finira par dissimuler toute trace de sa présence. En 2013, un exploitant forestier, M. Émile Legros, racheta le site et entreprit de dégager les terres et les immondices qui avaient été déversés à l’emplacement des coupoles ou dans les trous d’obus. Une fondation fut alors créée pour restaurer le fort et pérenniser le souvenir des combattants des deux guerres. Lors de ma visite, j’eus la surprise d’apprendre qu’un des officiers artilleurs, Raymond Blavier, combattant de 1940, était originaire de Fraire ! Il avait la responsabilité d’une des deux coupoles armées d’un obusier de 75 et situées à la pointe avant du fort triangulaire.
Raymond, né à Fraire le 6 octobre 1915, fils de Jules Blavier et de Marie Pochet, habitait à la rue de la Maroquette. Fin 1939, il sera affecté au régiment des forteresses de Namur, avec le grade de sous-
 
lieutenant. Le 16 mai 1940, le commandant du fort de Saint-Héribert l’envoie avec deux autres soldats à la recherche d’un poste de commandement allié, sans autre précision. Ils iront à pied jusqu’à Couillet, où ils remettront un pli au général français Boucher. Pendant 9 jours, Raymond tentera de rejoindre les troupes belges pour enfin, le 25 mai, retrouver le Régiment des Forteresses de Namur à Pitthem, en Flandre orientale. Il sera fait prisonnier 3 jours plus tard, mais libéré le 6 juin 1940. Le 18 janvier 1945, il reprend le combat avec le grade de lieutenant au sein de la 2e brigade d’infanterie.

DON CAMILLO A FRAIRE (Jean Thomas)
Autrefois, à Fraire, les rapports entre le curé et le bourgmestre étaient souvent fort tendus.
Retournons dans le passé. Durant le maïorat de F-J Mineur, de 1839 à 1876, l’extraction du minerai de fer a considérablement enrichi la commune et entraîné l’arrivée massive de travailleurs avec leurs familles. La population a alors quasiment triplé, passant de 595 habitants en 1830 à 1676 en 1868. Des écoles furent construites vers 1850, l’une près du cimetière, que les (un peu) plus anciens ont connue, une autre près de l’église, aujourd’hui salon communal, et enfin une école des filles dans le bâtiment (à gauche de la photo) occupé actuellement par les docteurs Javaux-Heremans, après avoir notamment servi de maison communale jusqu’en 1970.
  A l’emplacement de ce bâtiment se trouvait jadis une grange, faisant partie des biens légués à la fabrique d’église par une certaine Marie Goderniat, vers la fin du XVIIe siècle, ce qui lui vaut d’avoir toujours des messes dites en son honneur en 2022 ! (Nous en reparlerons.)
Pour acquérir ce bâtiment, la Commune a dû marchander avec le curé de l’époque, conseillé par son évêque. François-Joseph Mineur s’est alors engagé à rehausser le presbytère voisin d’un étage, en échange de l’acquisition de la grange et d’une partie du verger y attenant.
Mais les choses se sont compliquées lorsque, quelques années plus tard, la Commune décida d’agrandir l’école à l’emplacement de ce qu’on appelait alors « le jardin de l’instituteur ». Pour le conseil de fabrique, cette parcelle de terrain faisait toujours partie des terres en sa possession ! Pire encore. Il avait été convenu qu’une cave se trouvant sous l’école et contenant un four devait rester la propriété du curé. Or, en 1914, à l’occasion d’un changement de curé, la Commune avait saisi l’occasion pour murer cette cave de l’extérieur.
Les vives tensions entre la Commune anticléricale de l’époque et les catholiques avaient aussi entraîné, à partir de 1911, la suppression de la Marche Saint-Ghislain créée en 1904. En 1913, il y aurait cependant eu une Marche... sans St-Ghislain !

MOTS CROISÉS FRAIROIS (Jean Thomas)
  HORIZONTALEMENT
A. Rue ou village.
B. Pour la voie ou la voix. - Ancien.
C. Issus. - Fait le tour de Chastrès.
D. Répertoriai.
E. Dans un rock des 3B. - Baudhuin ou Thomas.
F. Eux. Initiales du président.
G. Règle. - Compagnons de St Ghislain.
H. Finale infinitive. - Greffée.

VERTICALEMENT
1. Bois minier de Fraire.
2. Recueille les confidences.
3. Plus très fraîche.
4. Lui.
5. Vitale dans les mines de fer.
6. Entendre, autrefois. - Clé.
7. Type. - Comme la statue de St-Ghislain.
8. Le rez-de-chaussée des maisons du centre de Fraire l’a été, suite au remblayage du Prèyat.

LES HISTOIRES DE L’ONCLE POL (Pol De Witte)
Je suis né à Fraire, le 5 janvier 1945. A cette époque, les Américains, arrivés au village en décembre 44, fréquentaient la café près de la gare, tenu par mes parents. Maman leur a montré son joli bébé, qui est alors passé de mains en mains. Certains GI’s noirs n’avaient jamais vu de nouveau-né blanc et ils m’avaient baptisé « Bébé rose » !
Dans mon enfance (et même après) je n’étais pas à ça près de faire des bêtises, avec, notamment,
  Paul Croisez et Claude Locatelli (j’en parlerai prochainement) et ma maman avait coutume de dire alors « C’è-st-ène miyète normal qu’y fèye des bièstrîyes : il a stî djondu par des sauvâdjes ! » En fait, maman en voulait aux soldats américains, car un de leurs camions, venant de Philippeville, avait raté son virage pour aller s’encastrer dans notre café ! L’armée américaine a payé les réparations, mais quand même... quel choc !

 
FRAIRE EN HIVER

 
Fraire d’meure pou ses èfants
èl pus bia des vilâdges.
 
Les bayaus del sôyerie,
les trôs du Monlaiti,
 
Les pîssintes du tchmwin
d’fiêr, les cayaux du fayi,
 
Èle fontène radjon.nie qui
nos rattind su l’place ;
 

 
Photos Hélène Javaux
 
Notre Groupe :
Bernard BAUTHIERE (0475/99 97 88) - Pascal DECAMP - Pol DE WITTE (0494/263196) - Marc LORENT (0473/981972) - Blanche MATAGNE (071/65 05 61) - Fernande MATAGNE (0473/51 5214) - Jean THOMAS (071/655622) - Achille TROTIN (00 33 327466352) - Charles SEPULCHRE (0471/11 73 21) - François SEPULCHRE (0474/479880) - Yvon FONTENELLE, président d’honneur (Tél/Fax 071/6553 23).
Nos objectifs :
La sauvegarde de la mémoire et du patrimoine, bâti et non bâti, public et privé, de Fraire et Fairoul, en particulier la sauvegarde et la mise en valeur du passé minier et industriel et le transfert de la connaissance du passé du village vers la jeune génération. La valorisation du cadre de vie des Frairois.
Nos partenaires :
L’asbl Qualité-Village-Wallonie -l’Agence de Développement Local, le Centre Culturel et l’Office du Tourisme de la Ville de Walcourt.
Nos publications : voir https://fraire-fairoul.be/sentifer/sentife.htm (site Internet géré par Arthur Matagne).
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