accueil Saint-Ghislain
 
ORIGINE
DES MARCHES

Une marche de l'Entre-Sambre-et-Meuse est, à l'origine, une procession chrétienne (initialement les bancroix du IXe siècle, puis la Fête-Dieu, depuis 1264) qui, à cause des risques d'attaques par des brigands et détrousseurs de toutes sortes (nombreux dans notre région jusqu'au XIXe siècle), est accompagnée par la milice communale ou des fidèles armés.
L'Entre-Sambre-et-Meuse belge n'est pas la seule région où ont lieu des processions accompagnées de marcheurs costumés en militaires du XIXe siècle : on en trouve également un peu partout en Europe, ainsi qu'au Canada francophone. M. Lefébure, de Braine-le-Comte, me signale une telle procession armée fort importante en Suisse ! Il s'agit de la Fête-Dieu de Savièse. Voyez le site de Savièse (de préf. avec Internet Explorer).

Tous les villages de l'Entre-Sambre-et-Meuse ont eu
 leur(s) marche(s) depuis le haut Moyen Age jusque sous l'Ancien Régime. Après 1804, les malandrins étant moins à redouter qu'auparavant, l'accompagnement d'hommes en armes servit surtout d'escorte d'apparat, les armes à feu étant désignées pour tirer des salves d'honneur aux points d'arrêt de la procession, au moment de l'ostension de la relique par le prêtre officiant. La plupart des marches accompagnaient donc au départ la procession annuelle du Saint-Sacrement (ou fête-Dieu). Plus tard, elles se sont diversifiées : certaines ont accompagné une procession en l'honneur de saint Pierre, invoqué contre les fièvres des marais qui touchaient principalement les mineurs de fer, nombreux en Entre-Sambre-et-Meuse ; mais d'autres, plus rares, furent dédiées au saint protecteur de la paroisse (saint Vaast à Daussois, saint Roch à Chastrès) ou à un saint thaumaturge vénéré dans le village (la Vierge noire à Walcourt, saint Ghislain à Fraire). Toutes les marches ont disparu en 1784 à cause de l'interdiction des processions, des pèlerinages et des confréries par Joseph II d'Autriche. Cet état de choses empira encore lors de l'invasion de la Belgique par les Français en 1792 et 1794. Le 17 février 1800, une loi française bannit de nouveau toutes manifestations religieuses et interdit même le culte dans les églises. En 1804, Napoléon parvient à pacifier le pays et à lui permettre

(entre autres par le Concordat) de reprendre ses coutumes ancestrales. A partir de cette époque, et jusqu'au début du XXe siècle, certaines marches ont repris vie progressivement (Laneffe, Walcourt, Gerpinnes, Florennes...), pour solenniser la procession principale remise sur pied. Certaines milices de protection portaient simplement le sarrau comme uniforme ; d'autres utilisaient l'uniforme militaire de leur conscription. Quelques années avant la guerre 1914-1918, l'armée belge décida de remplacer ses costumes chamarrés par les uniformes kakis, moins voyants pour les guerres modernes. Les marcheurs profitèrent de l'aubaine et se servirent des anciens costumes colorés pour leur habillement en remplacement des sarraus bleus ou noirs dans lesquels ils avaient principalement défilé jusque-là. C'est sans doute pourquoi le costume classique des marcheurs correspond approximativement à celui porté en campagne par l'armée belge du milieu à la fin du XIXe siècle, malgré quelques aménagements : tablier de toile orné de dentelles ou de fleurs des sapeurs, compagnies de zouaves (récupération des costumes usagés des zouaves pontificaux belges de l'ancien Etat du Vatican en 1860), etc. Le costume du marcheur a donc peu à voir avec la France ou l'époque napoléonienne, auxquelles certains voudraient le relier.

Pour rester objectif, il faut malgré tout signaler que plusieurs historiens de la région, comme Roger Golard,

 Christian Lauvaux et Pierre Magain, pensent que, dans certaines marches, l'usage du sarrau aurait d'abord été abandonné au profit de l'uniforme dans lequel les Wallons étaient fiers d'avoir servi pendant les campagnes de Napoléon (malgré qu'ils aient été enrôlés de force), et qui étaient donc des uniformes Premier Empire. Ces derniers n'auraient été remplacés par les costumes déclassés de l'armée belge que parce qu'ils tombaient en lambeaux après de si nombreuses années d'usage.

Par contre, à Morialmé, par exemple, il est avéré que la Marche Saint-Pierre, qui a été remise sur pied en 1854, utilisait comme habillement des sarraus, pantalons blancs, foulards rouges et casquettes noires, « comme il était de coutume à cette époque », lit-on dans l'historique de Morialmé. Tous les hommes composant la marche étaient armés d'un fusil à poudre. Mais l'année suivante déjà, la compagnie fut divisée en plusieurs pelotons : sapeurs en tabliers de peau, tambours, grenadiers et chasseurs. Les zouaves ont remplacé les chasseurs en 1861, en l'honneur de l'armée de volontaires belges et étrangers formée pour défendre l'Etat du Vatican contre Garibaldi. L'historique signale que tous les costumes utilisés sont bel et bien des costumes usagés de l'armée belge.
(Renseignements tirés de "Historique de la Marche et de la Procession Saint-Pierre de Morialmé", édité par la société "Les Patriotes" en 1972, avec le soutien de l'AMFESM.)


Personnellement, je me souviens très bien que beaucoup de marcheurs des années 1950 possédaient leur propre costume, souvent formé de bric et de broc. La plupart du temps, la veste était une tunique usagée de gendarme (noire à cette époque). Les ceinturons était fréquemment des ceinturons de scouts ou de récupération de l'armée (kaki !). Les képis des tambours de cette époque sont la plupart du temps des képis de gendarmes ; mais pour eux, vers 1960, le képi de chef de gare s'est généralisé. Les shakos des voltigeurs étaient souvent en carton recouvert de toile cirée noire. On louait le moins possible et seulement ce qui n'était pas facile à imiter : les épaulettes, la fourragère et le plumet, parfois le colback des grenadiers et le fusil, qui, à ce moment-là, étaient de véritables équipements d'époque 1850-1900. Ce n'est que dans les années 1960 que les maisons de location, devant la prolifération des marches, ont commencé à faire fabriquer à grande échelle des imitations de costumes, fusils et équipements de marcheurs de Premier et Second Empire.

Pourquoi le costume traditionnel (2e Empire) des marcheurs zouaves est-il rouge et bleu foncé, alors que le costume des zouaves volontaires

 belges du vatican était gris-bleu, rouge et noir ? (photo : musée d'Art et d'Histoire de Bruxelles) Il semblerait que le costume ait d'abord été rouge à l'origine, basé sur celui des Français (la première compagnie de volontaires belgo-français était conduite par un général français). Il aurait ensuite été personnalisé en bleu. Les anciens costumes rouges auraient alors servi aux marcheurs. (Note : la culotte de zouave s'appelle un « saroual ».)

Indépendamment des marches, les processions ont été de tous temps accompagnées par la fanfare ou l'harmonie paroissiale ou communale, quand il en existe une, qui joue dans cette circonstance des marches de procession. A cette occasion, comme dans toute sortie musicale, les musiciens portent leur uniforme, souvent constitué simplement d'une casquette ou d'un képi portant les initiales de la société de musique, (d'un pantalon blanc lors des marches) et d'une veste du dimanche. Ce n'est que depuis les années 1930 que les musiciens des fanfares ont été peu à peu considérés comme marcheurs — par rapprochement avec les fanfares militaires — et parfois costumés en voltigeurs pour la circonstance.

Depuis le début des années 1960, on a assisté à une napoléonisation de certaines compagnies, notamment en utilisant des costumes imitant ceux du 1er Empire français (bleu-blanc-rouge), considérés comme beaucoup plus colorés et plus jolis par certains


marcheurs, peu au courant des origines de leur marche. Mais la plupart des compagnies anciennes refusent ce changement et restent farouchement fidèles aux costumes dits classiques de marcheurs, appelés (à tort, puisqu'il s'agit d'uniformes belges) costumes Second Empire.   Quel que soit le costume, chaque marcheur de l'Entre-Sambre-et-Meuse est indéfectiblement attaché à SA marche.

 

© 1999 Arthur Matagne.


Retour en tête de page