Complément aux hypothèses
sur la morphogenèse des dépôts de fer

Un article de Robert O. Fourneau, géographe et géomorphologue, paru dans EcoKarst n° 45 d'octobre 2001, nous éclaire un peu mieux sur les hypothèses de formation des dépôts de fer en Wallonie.
En voici quelques extraits.

La première explication globale des paléogouffres des abannets de la région de Nismes, qui correspond partiellement à la formation de la plupart des mines de fer de Wallonie, a donc été donnée par Vanden Broeck, Martel et Rahir en 1910 (op cit.) selon trois étapes de formation.
1. La première étape se réalise immédiatement après la formation de la pénéplaine dans le socle calcaire résistant : c'est la formation de gouffres à partir de la fin de l'ère primaire par la corrosion due aux eaux acides y pénétrant en flux ou aux eaux d'infiltration de surface sous conditions tropicales productrices de grandes quantités d'humus (climat et végétation du type de ceux des Everglades actuelles, par exemple). Sans l'avoir exprimé, ces auteurs avaient sans doute remarqué que ces gouffres pouvaient résulter de pénétrations directes dans la masse rocheuse ou être le résultat de l'effondrement du toit de cavités taraudées au préalable par de nombreux chenaux verticaux, recoupés en profondeur par des horizontaux, dont il reste de nombreuses traces visibles au Fondry des Chiens de Nismes, notamment dans le sillon occidental.
2. Puis vient le remplissage de ces anciens gouffres et le recouvrement de la surface en gradin, longtemps après la première étape, durant la première partie de l'ère tertiaire, par des dépôts marins, de sables essentiellement.
3La troisième étape est constituée par l'érosion décapante du Pléistocène (ère quaternaire) qui enlève les dépôts de surface et crée un lessivage des sables des cavités, entraînant la formation de croûtes de minerai de fer à la base, que les hommes évident dès l'époque celtique. Les cavités deviennent ainsi à Nismes des paléogouffres. Chez nous, dans la région de Fraire, le cas est un peu différent, puisque la plupart des mines étaient des puits verticaux de 2 mètres de diamètre, d'une profondeur variant de 5 à 40 mètres, creusés dans le sable et étançonnés par des boisages, qui devaient obligatoirement être comblés dès la fin de leur utilisation.

Depuis l'énoncé de cette hypothèse de formation, de nombreuses recherches ont été faites dans le monde sur des régions semblables, mais plus vastes et plus riches en possibilité d'observations, permettant d'expliquer les variantes de formes des parois calcaires dans les différentes parties du Fondry des Chiens à Nismes.

Morphogenèse expliquée par Yves Quinif

A l'ère tertiaire, la mer (1) envahit la région et des sables se déposent au fond (2). Ils recouvrent les calcaires dévoniens qui, après avoir été plissés en d'importantes montagnes à la fin de l'ère primaire, ont été aplatis essentiellement durant le début de l'ère secondaire (3).


Les dépressions commencent à se former après le dernier retrait de la mer. Des climats tropicaux apportent alors chaleur et pluies abondantes (4) permettant le développement d'une végétation luxuriante (5) sur le nouveau continent.
L'infiltration, dans les sables du sous-sol (6), des eaux de pluie acidifiées par le gaz carbonique (CO2) du sol entraîne la dissolution des calcaires du socle sous-jacent (7), mais aussi le lessivage du fer de certains minéraux, comme la glauconie, contenus dans les sables. Ce fer dissous se dépose ensuite au contact du calcaire, sur le fond des dépressions en cours de formation (8).
Celles-ci se localisent aux endroits où des zones de faiblesse de la roche (nombreuses fissures, calcaire plus soluble...) permettent une pénétration verticale de plus grandes quantités d'eau dans le calcaire (12) favorisant ainsi un approfondissement de la dépression grâce à une plus grande dissolution.


Sous la couverture de sables tertiaires s'élaborent ainsi une série de profondes dépressions au fond tapissé de minerai de fer (limonite) (9), hérissées de pitons calcaires (11) et séparées par des parois ou des zones moins altérées (10).


Depuis l'aube de l'ère quaternaire, il y a environ deux millions d'années, les conditions climatiques se dégradent très fort. Les sables sont érodés et les calcaires exposés à l'air libre (13) se transforment en collines. Seuls les creux calcaires gardent les sables (14).


L'homme vide les poches contenant le sable et le fer et (à Nismes) laisse ces grandes dépressions à ciel ouvert (15). Certaines cavités sont encore comblées.

Schémas et explications extraits de « Itinéraire de la Calestienne », Neuray et Quinif, 1987.

 

 

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